Michaël, l' Horus vivant
Par Giauque Cédric
Réalité, temps de Séthy 1er.
<<- Non ! Il est totalement exclu que je mette ça ! >>
Ooshi, qui pilotait la navette d' extraction, se retourna vers Topd, qui, encore une fois, avait à redire :
<<- A moins d' avoir reçu les pouvoirs de dissimulation d' Aarun, tu t' habilleras comme tout le monde ! >>
<<- Une jupe... ! >>
<<- Un pagne ! >>
<<- Et je cache où mon équipement ? >>
<<- Dans une besace d' époque, fournie par le synthétiseur du bord. A cette époque, tu seras au top de la mode... >> Ironisa Mackoll en tendant sa nouvelle garde- robe, à l' artificier.
<<- Plus une bonne couche de fond de teint, pour cacher ton origine orionne... >> Précisa Ooshi, dans un large sourire, en faisant référence au teint verdâtre de l' artificier.
A ce moment la navette fut secouée méchamment, ses occupants furent projetés au sol. Ooshi avait subitement perdu son sourire et les jointures de ses doigts devenaient blanches, tant le capitaine de la garde était crispé. Il peinait tout à coup, à maintenir l' assiette de la navette d' extraction. Hors rien ne semblait justifier une quelconque perturbation de l' atmosphère. Les écrans radar et la mini- console scientifique n' indiquaient rien de particulier.
Pourtant, la navette semblait prise dans une sorte de sirop pâteux lui- même secoué dans un shaker géant. Un à un, les systèmes de freinage et de contrôle de la descente furent saturés de données à traiter et, de ce fait, perdirent progressivement de la puissance.
<<- A vos postes de secour ! Je vais transférer l' énergie des boucliers sur le système de navigation. On va perdre le système de freinage et tomber comme une pierre. Ca va secouer ! >> Cria Ooshi, en dérivant les paramètres pré- cités.
Les volontaires eurent juste le temps de fixer les attaches des baudriers de secour, et la navette s' engageait déjà dans une accélération démentielle. Les soldats de l' Empire furent comme aspirés par le haut, seulement retenus à leurs sièges par les tendeurs des baudriers en fibres ultra- résistantes.
Ooshi peinait toujours autant, mais la navette semblait se stabiliser sous l' effet de la vitesse. Il ne ressentait pas autant les effets de l' accélération, protégé par le champ antigravitationnel destiné à tous les postes de pilotages, permettant ainsi un certain confort et une plus grande marge de manoeuvre au pilote.
En effet, l' utilisation des ordinateurs positroniques permettait des manoeuvres aux vaisseaux que les corps des passagers ne supporteraient pas sans champ de force de protection. Celui des pilotes n' étant pas reliés à l' ensemble des unités gérant les systèmes vitaux, comme ceux de tout le vaisseau, le navigateur était toujours le seul à jouir d' une protection maximale.
De fait, avec un champ de force réduit au minimum, les équipiers d' Ooshi en prirent un sale coup. Même Topd n' avait, pour une fois, rien à dire. Pas même un " yahou " de satisfaction. Il grimaçait comme les autres.
Ooshi grimaçait aussi. En plus de devoir se battre avec les commandes et cette résistance inexpliquée, un point l' intriguait à la surface de la Terre. Comme la descente se faisait à une vitesse que seuls les alliages les plus résistants de l' Empire permettaient, le petit point grossissait à vue d' oeil. Ce qui ne semblait qu' une tache brune dans le désert d' Egypte, ressemblait de plus en plus à une gigantesque tempête de sable. Tempête qui n' apparaissait toujours pas sur les divers écrans de contrôle.
Loin d' avoir le temps de se pencher sur le problème, Ooshi se concentra sur sa tâche la plus urgente : sauver leur peau. Mais il ne pouvait néanmoins pas détacher son regard de cette masse monstrueuse de sable, qui semblait le regarder droit dans les yeux. Le regard du capitaine était comme accroché par le roulis de cette vision d' horreur. Il lui semblait même voir une sorte de silhouette de visage, dans ce torrent de fureur sablonneuse. Un visage qui lui disait de perdre tout espoir, qui lui imprimait le sentiment de devoir crasher la navette. Un monde de promesses s' offrirait alors à lui. Il suffisait d' obéir à cet ordre qui prenait peu à peu le pas sur sa conscience. Qu' il était tentant de lâcher les commandes et de succomber.
Reprenant subitement conscience de la réalité, Ooshi secoua la tête, comme pour se remettre les idées en place. Il avait compris ce qui se passait et il pourrait désormais combattre cette chose qui se présentait comme la tempête de sable du millénaire. Il n' avait que deux armes contre ce qui l' attendait, sa dextérité au pilotage et l' espoir. Car cette tempête était faite de sable, mais surtout de désespoir. Cette guerre de grains de sable destructeurs portait la signature d' un ennemi connu depuis longtemps : Lucifer.
Comme pour se donner du courage, Ooshi prit une profonde inspiration et se redressa sur son siège de pilote. Il était prêt à affronter la magie du Maître des Enfers.
Poussant les réacteurs à fond, il donna encore plus de vitesse à l' aviso. L' air et le sable s' enflammèrent sous l' effet d' une température extrême. Le capitaine cabra la trajectoire de la descente pour décrire un large cercle, et ainsi ne pas trop s' éloigner du point d' atterrissage prévu initialement, lors du briefing sur le Synoom.
La manoeuvre était fiable, car la vitesse et la couche de verre en fusion qui s' était formée à quelques centimètres de la coque, rendaient le petit vaisseau plus stable. De plus, l' épaisseur de la tempête cacherait la longue traînée de fumée noire, due à la combustion de l' air et du sable.
Ils avaient quand même un petit peu de chance dans leur malheur :
<<- Et rappelez- vous, dit Ooshi à ses compagnons, on est les gentils...>>
<<- on est... si mal... que ç...ça ? >> S' essouffla Topd, géné par les effets de la nouvelle accélération.
Mais Ooshi n' écoutait déjà plus. Toute sa concentration était utilisée pour le pilotage. De grosses gouttes de sueur perlaient à son front, mais il ne les sentaient pas lui couler sur la peau, absorbé par les fines corrections à apporter sans cesse.
La partie n' était pas encore gagnée, mais ils s' en sortiraient, maintenant il le savait.

Djéfour s' était arrêté au creux d' une dune. Voyant se profiler une tempête de sable, au loin, il se résolut à passer une bonne partie de la journée, caché de la colère de Seth.
En bon Egyptien, mais surtout en excellent connaisseur du désert, il s' était confectionné un abri de fortune avec la couverture qui ne manquait pas de l' accompagner dans chacun de ses déplacements.
Une bonne couverture de laine, capable de calmer les frimas des nuits passées dans le désert. Il emportait aussi une toile de lin, de très bonne facture.
Pas de ces pièces de tissus grossiers que l' on trouvait dans n' importe quel souk, mais bien une pièce précieuse, tissée dans les règles absolues de l' art des tisserands égyptiens. Une qualité que l' on ne trouvait que chez les nobles et les riches. Une telle pièce, son salaire lui permettait de s' en payer une, sans trop se priver. Mais elle n' était pas destinée à son propre confort, mais plutôt à celui de sa monture.
En effet, la tête du cheval enroulée dans ce drap blanc, permettrait à l' animal de respirer sans que pénètre un seul grain de sable dans cet abri de fortune, aux deux sens du terme.
A peine eût- il terminé son oeuvre, qu' il sentait déjà la piqûre du sable sur sa peau. Déjà ?
Il n' y avait à peine qu' un petit moment que la tempête semblait encore loin, à l' horizon. Il fallait bien en venir à l' évidence, Djéfour n' avait jamais vu une tempête se déplacer si vite. Jamais de toute sa carrière de messager de Pharaon !
Son cheval commençait à donner des signes d' énervement, quand Djéfour prit conscience de ce qu' il lui arrivait dessus. Un court instant, il paniqua à l' idée de finir sa vie enterré avec son cheval, au pied de cette dune. Triste sépulture et aucun espoir de renaître dans le royaume d' Anubis. Son corps serait certe momifié, mais nullement dans les rites sacrés des prêtres de Thèbes. Une triste fin pour un Egyptien de ce temps- là.
Les grains de sables semblaient vouloir prendre sa tunique d' assaut. La fine couverture de lin n' offrait maintenant presque plus de protection, car il devenait très difficile de s' emmitoufler hermétiquement dedans, tant le vent était violent.
Djéfour pensa à son cheval qui ne devait pas être plus protégé que lui. Le lien étroit qui liait le messager aux chevaux qu' il utilisait pour ses missions le fît sortir de son abri précaire, maintenant totalement inefficace, pour faire face aux éléments déchaînés. Ce qu' il vit lui glaça le sang.
Une tempête de sable comme il n' en avait jamais vue, tournant, sifflant, vomissant des tonnes de sable abrasif, une tempête comme nul ne devait déjà avoir affronté. Mais le plus effrayant était cette ombre qui semblait s' y mouvoir. Une ombre d' un noir si profond et pourtant, Djéfour avait l' impression qu' il pouvait y voir à travers. Une ombre à l' aspect si maléfique que les poils de ses bras se dressèrent d' effroi. Un frisson parcourut l' échine du messager et la chair de poule érupta sur tout son corps, bien que la température fût étouffante.
Pourtant, ce sentiment de froid intense, mais impalpable, persistait.
Tout à son observation de l' ombre, Djéfour entendit un bruit étouffé derrière- lui. Son cheval !
D' un bloc il se retourna et ne comprit pas tout de suite ce qu' il voyait. Son cheval était bien là, mais il avait un aspect bizarre, comme mouillé. Un comble au milieux d' une tempête de sable.
En état de choc, Djéfour pensa qu' il devenait fou par la fureur des éléments. Il s' approcha de son cheval mouillé, mais celui- ci s' écroula à terre, dans un hennissement qui ressemblait plus à un soupir, atténué par le vent violent.
Le messager se pencha au- dessus de son destrier et remarqua avec horreur qu' il n' était pas mouillé, mais ensanglanté. Levant sa main près de ses yeux mi- clos, il constata encore avec horreur que lui aussi, présentait la même particularité. Il ne compris pas que le sable propulsé par les vents violents était en train de l' éroder à petit feu.
Le cheval était mort d' une crise cardiaque provoquée par la panique. Mais Djéfour attribua cette mort à une entité particulière : Seth.
La folie prit totalement le contrôle de Djéfour au moment où un sifflement plus strident que les autres se fit entendre. Djéfour eût encore la force de tourner ce qu' il lui restait de visage en direction du bruit.
Une immense boule de feu avançait implacablement vers lui. Du fond de sa folie, Djéfour pensa que c' était Râ qui venait lui offrir le paradis. Cette pensée fût la dernière d' un brillant serviteur de Pharaon.
En guise de sépulture, Djéfour se retrouvait incorporé à une énorme masse de verre en fusion. Une matière que même les Pharaons ne pouvaient se payer, tant elle était rare.

Le bateau de Pharaon revoguait sans encombres sur le Dieu fleuve, le Nil. Ramsès se remettait très bien de son intervention hasardeuse, et déjà, ne semblait plus pouvoir s' arrêter de tailler une bavette avec Aarun. Le jeune Prince le pressait de questions sur Cresta et l' Empire, ce qu' Aarun éludait pour ne pas risquer de compromettre l' avenir, son présent.
Séthy faisait semblant d' écrire un message officiel, mais en fait, il ne perdait pas une miette de l' entretien d' Aarun et de son jeune fils. Il voulait en apprendre le plus possible sur celui qui avait partagé son sang avec Ramsès. Il ne doutait aucunement qu' Aarun oeuvrait pour le Bien, mais cet homme semblait doué d' une immense sagesse malgré son jeune âge, et cela l' intriguait. D' autant que ce qu' il lui avait dit de son Dieu semblait se tenir, malgré la totale contradiction d' avec son dogme.
En roi avisé, il prenait ses informations, au cas- où. Peut- être cela pourrait- il servir à Ramsès un jour, maintenant qu' il devenait l' héritier du trône.
Et justement, l' obstination du jeune Prince relançait la conversation sur ce fameux Dieu unique du futur :
<<- Il doit être un Dieu très puissant s' il doit s' occuper de tout...>>
<<- Il se fait aider pour certaines choses. C' est d' ailleurs ma mission en tant qu ' Empereur. >>
<<- Et même avec tes pouvoirs et ton savoir, tu n'est pas considéré par ton peuple comme étant un Dieu ? >>
Aarun laissa un peu de temps s' écouler, non seulement pour se permettre de réfléchir à sa réponse, mais aussi pour permettre à Séthy de se rapprocher et d' entrer officiellement dans la confidence.
<<- Ce n' est pas mon peuple, c' est celui de Dieu. Quand je dis Dieu, il faut comprendre l' "Etre Suprême". Je ne suis pas supérieur, je fais juste partie d' une lignée qui a étée choisie pour veiller à l' exécution d' un plan. Mais c' est plus souvent un fardeau lourd à porter qu' une bénédiction.>>
<<- Je comprends ce que tu veux dire par- là, mon ami. Dit Séthy en entrant tout à fait dans la conversation. Même en respectant Mâat, je dois prendre des décisions difficiles, parfois. >>
<<- Et tous vénèrent ton Dieu, dans ton Empire ? >>
<<- C' est plus compliqué que cela. L' Empire n' est pas parfait et le Mal existe, c' est d' ailleurs à cause de Lui que je me retrouve ici. En fait, cela dépend de l' aptitude à croire en cet Etre Suprême. >>
<<- Tu dis qu' un Dieu n' existe que par la foi ? >> demanda, outré, le Pharaon.
<<- Non, pas du tout, je dis qu' il y a différente façons de servir Dieu, cela dépend de l' évolution d' un peuple et de ce qu' il est prêt à accepter comme la Vérité. C' est que ce que l' on appelle une religion. >>
<<- Comme les Hébreux, alors ? >> Ne pût s' empêcher de lancer Ramsès.
Aarun se senti piégé. Voilà exactement le sujet qu' il voulait éviter. Ramsès serait directement lié avec les Saintes Ecritures. Aborder le sujet des Hébreux lui semblait dangereux. Fait réel ou anecdotique, la fuite d' Egypte serait un moment clé de la chrétienté. Saborder en quoi que ce soit cet épisode, et le travail de contact avec la Terre pourrait être mis à mal.
Séthy rompit le silence :
<<- Ou comme Akhenaton...?... >>
Géné voir dans ses petits souliers, l' Empereur hésitait à répondre. Finalement, il se laissa aller à un peu de théologie :
<<- Il est vrai qu' Akhenaton était très près de la vérité. Mais jamais ton peuple, aussi brillant et grand soit- il, n' était prêt à croire en un Dieu unique. Vos croyances sont à la base de votre société. La grandeur de l' Egypte est dûe à ses règles de justices et en sa foi. Changer aussi brutalement de croyance était suicidaire pour le pays. Qu' importe le nom que tu donnes à Dieu, l' important c' est la force avec laquelle tu y crois qui est importante. >>
<<- Je vois ce que tu veux dire. La loi de Mâat est basée sur ce principe, en partie du moins. Renchérit le Pharaon, qui comprenait maintenant l' avancée philosophique d' Aarun. Ce qui fait donc que toutes les religions s' adaptent à la mentalité des peuples...>>
<<- ... Et toutes sont une partie de cette vérité que cet être Suprême veut que nous atteignions. Mais pourquoi nous laisser croire en plusieurs Dieux ? Coupa Ramsès. >>
<<- Pas en plusieurs Dieux, en plusieures " parties " de Dieu... >> Aarun espérait que le sujet serait clos par cette réponse. Il en avait déjà trop dit pour ne pas risquer de compromettre l' avenir de cette époque- ci.
Ramsès et Séthy absorbèrent l' information. Séthy regardait fixement une planche du pont. En levant un sourcil, il s' adressa à l' Empereur :
<<- Donc, plus un peuple s' améliore, apprend et se développe, plus il est près de connaître la vérité ? >>
<<- C' est pour celà que l' entreprise d' Akhenaton était vouée à l' échec. Il était trop en avance sur son temps et cette entreprise ne peut que s' étaler sur plusieurs siècles. >>
<<- Il reste une question... >>
Aarun attendit la suite. Elle vint au bout d' un court instant solennel, d' une voix grave :
<<- Comment Akhenaton a- t- il bien pût connaître ce concept de croyance ? >>
<<- Alors là... je ne...> Commença l' Empereur.
<<- Majesté ! Là, là ! >> Brailla un garde en poste à la proue, doigt tendu vers une monstrueuse colonne s' élevant au loin, dans le désert.
Les trois compères royaux se levèrent et se dirigèrent vers l' arrière du navire. En effet, au loin, une colonne de ce qui semblait être du sable, s' élevait haut dans le ciel. Personne à bord n' avait jamais vu de si grand phénomène météorologique.
Aarun interrogea du regard le Pharaon, qui fît de même à l' instant pile. Il semblait qu' ils avaient ressenti tous les deux l' onde maléfique qui s' échappait de l' anomalie gigantesque.
<<- Voilà la preuve que les Dieux subalternes existent ! Lança Séthy. Car c' est là l' oeuvre de Seth. >>
<<- C' est sûr. Bien que je dirais que c' est l' oeuvre d' un veil ami : Lucifer. >>
<<- Mais vous contrôlez les forces de Seth, père. Vous devez pouvoir venir à bout de cette... chose ? >>
<<- Regardes par toi- même fils, et dis- moi si tu crois cette force dominable. Cette fois- ci, je crains que Seth ne soit vraiment ivre de rage... >>
Aarun ne dit rien de plus. Il venait de voir fugitivement une boule de feu dessiner un bref trait de lumière au milieu de la singularité.
Météorite ?
Navette de secours ?
Ou simple rayon de soleil ?

Réalité- prime, 700 ans standards plus tard.
Les vaisseaux de combats de l' Empire se regroupèrent dans l' hyperespace. Dans peu de temps, ils émergerait dans le continuum, aux abord immédiats de la Terre, aux environs de la Planète Mars.
Les six vaisseaux partis de Cresta, étaient menés par l ' Enterprise, ainsi baptisé par Aarun, en hommage à ses origines terriennes. Etre Empereur ne voulait pas dire être dénué d' humour. Pour tout l' empire, ce nom n' était pas rattaché à la série télé de son enfance. Les états majors de la flotte avaient donc accepté la proposition du souverain. Quelques fois, l' Empereur avait navigué dans ce vaisseau, juste pour le plaisir de pouvoir s' annoncer : -Ici, l' Enterprise !
Joyce pensait mélancoliquement à cette anecdote que son père n' avait pas manqué de lui expliquer le fin mot.
Son père ! Il lui manquait cruellement. Qu' importait d' être l' enfant stellaire, la clé de l' équilibre, si c' était pour devoir déclencher une attaque direct sur la planète Terre, berceau de l' Enfer. Une attaque qui se solderait fatalement par la mort de centaines d' homme. Des milliers peut- être, alors que la disparition d' un seul était déjà une déchirure.
Une attaque qui, de plus, se ferait sans l' aval de Dieu, chose interdite par- dessus tout. Pourquoi ne pouvait- elle contacter le Créateur ? Que pouvait- elle faire d' autre que de voler au secours de ce qui restait peut- être de son père ?
A ce moment, un signal sonore retentissant sur la passerelle de l' Enterprise lui fit reprendre le cours des opérations :
<<- Message sur hyperondes, Majesté. >> annonça l' enseigne de quart radio.
<<- Sur écran, ici l' Enterprise, son père avait eu décidément de drôles d' idées, à vous. >> Répondit l' Impératrice.
<<- Ici le commandant du Buura. Mes hommages Majesté. >>
<<- Bonjour commandant. Nous allons sortir d' hyperespace bientôt. Etes- vous paré à la manoeuvre ? >>
<<- Il est fait selon vos ordres. Voulez- vous vraiment envahir la Terre ? >>
<<- Seriez- vous en train de me dire ce que je dois faire pour l' Empire, commandant ? >>
<<- Non Majesté, je ne me permettrai pas. Mais nous nous sommes concerté, mes collègues et moi et nos ingénieurs ont lancé des simulations... les pertes seront énormes. Le point de débarquement est envahi par des hordes de démons. >>
<<- Figurez- vous que j' ai les mêmes analyses, commandant. Dois- je redouter une non- entrée dans le combat, de la part de vos troupes ? >>
<<- Nous servirons l' Empire jusqu' au dernier d' entres- nous, Majesté. Soyez assurée de la loyauté de mon équipage. >>
<<- Très bien, commandant. Je vous recontacte vingt centiars avant le début de la manoeuvre. D' ici, établissez le silence radio le plus complet, neufs vaisseaux sont déjà suffisamment repérables comme cela. Relayez mon ordre aux deux autre vaisseaux qui forment votre escouade. Enterprise, terminé ! >>
L' écran fût coupé. Joyce soupira, comme pour chasser le mal- être qui commençait à la dominer. Elle allait envoyer des hommes à la mort, et ils en étaient parfaitement conscients. Elle espérait ne pas se tromper de stratégie en se lançant dans cette recherche utopique de son père.
Biniin essaya de la réconforter :
<<- Il pense à ses hommes, pas à désobéir, Majesté. >>
<<- Je sais, mon ami, je sais. Moi aussi... >>
La souveraine de l' Empire se leva de son siège de commandement et sorti de la passerelle. Elle rejoignit sa cabine pour méditer.
Pour essayer une dernière fois de rentrer en contact avec Dieu.
Elle espérait secrètement qu' Il lui dirait de faire demi- tour.

Loin de se douter qu' une armada de neuf vaisseaux fonçait vers eux, Boojyi et Stuudman inspectaient les murs de cette dernière salle dans l' espoir d' y découvrir un mécanisme d' ouverture, qui leurs donnerait accès à une position plus confortable.
Les champs de forces, suivant leur alimentation pouvaient tenir un sacré moment avant même de voir leur intensité diminuer. Et là encore, il restait du temps avant qu' ils lâchent. Le problème des deux soldats de l' Empire était qu' ils n' avaient aucune idée de la nature de cette alimentation, étant donné qu' un tel champs de force n' aurait jamais dû se trouver dans une construction de cet âge- là. Qui plus est sur Terre.
Mais ils avaient beau passer et repasser leurs tricordeurs sur les parois, rien ne semblait indiquer un quelconque passage, une cavité ou un refuge plus sûr. Cependant Stuudman remarqua quelque chose de particulier dans une suite de dessins. En effet, il y avait là des représentations d' animaux originaires de planètes lointaines. Jamais sur Terre, on avait dû pouvoir observer un prijul', sorte d' éléphant de la planète Sidéra.
Le caporal- artilleur appela l' enseigne à venir le rejoindre :
<<- Regardes ! De là à là, indiquant une suite de dessins particulière, on dirait ce jeu que l' Empereur appelle une charade. >>
<<- Oui... on s' en était servi comme codage pour la bataille du quadrant sept. Mais je te ferais remarquer que tous les murs en semblent recouverts ! >>
<<- Des prijul' s, des attakars, et regardes, là, un sicquet... en Enfer ? Si c' est pas un message, ça... >>
De fait, les deux hommes entreprirent de résoudre cette nouvelle énigme. Mais la résolution des charades n' était pas leur point fort. Heureusement, elle était rédigée en galactique standard. Ce qui donnait lieu à de nouvelles interrogations, mais depuis qu' ils avaient pénétrés dans le complexe, semblait- il funéraire, ils avaient dû apprendre très vite à ne plus s' en poser, justement.
<<- Le sang de l' Empire est la clé de ... >>
<<- La suite est trop illisible. Mais de quel sang cela parle- t- il ? >> s' interrogea Stuudman, à voix haute.
<<- Ben... de l' Empire ! >><<- Celà fait certainement référence à quelque chose de vital pour l' Empire, mais quoi... mystère.>> Ragea le caporal.
<<- Une source d' énergie peut- être ? >>
<<- En tous cas, celui qui a conçu ce truc devait ignorer la signification du mot " urgence" ... >>
Démontant la pile énergétique du fuseur, l' enseigne Boojyi se mit en tête d' essayer toutes les sources d' énergie qu' ils avaient à leur disposition. Stuudman, qui pressentait le pire pour eux deux, le regardait faire d' un oeil inquiet. L' enseigne prenait la chose un peu comme un jeu. Défense psychologique ou déni de la réalité ? Peu importait en fait, il fallait absolument résoudre cette énigme de sang impérial, leur sort en dépendait, les Démons s' acharnaient sur le champ de force.
Le sang !
Tout à coup, Stuudman eût une illumination. Il se rapprocha de Boojyi et le poussa un peu de côté. Une fine rainure terminait la charade, en bas du mur. Il ne l' avait pas remarqué de prime abord, la dernière partie de la charade étant illisible, il n' avait pas examiné cette minime anfractuosité.
<<- Oh làà, le suicide n' a jamais rien arrangé... >> Dit Boojyi en voyant Stuudman sortir son couteau de combat et se l' appliquer sur le tranchant de la paume.
<<- T' inquiètes, rassuras Stuudman, Les Démons n' ont pas de tricordeurs et de... Plaquettes dans le sang. Ce qu' on retrouve chez tous les habitants de l' Empire. >>
<<- Je sais qu' on est mal, mais de là à se blesser nous- même... ça va être trop facile pour nos amis les pas- beaux. >> Railla l' enseigne, mais il avait compris.
Le caporal- artilleur s' entailla juste ce qu' il fallait pour qu' un mince filet de sang s' échappe de la plaie volontaire. Il appliqua ensuite ce filet de sang impérial sur la rainure creusée dans le mur.
Un chuintement et Stuudman senti la morsure d' une aiguille laser dans sa paume. Quand la brûlure s' estompa, les deux soldats purent entendre le bruit familier d' un ordinateur positronique.
On continuait dans l' incroyable et l' impossible.
<<- ADN vérifié. Accès autorisé ! Vous êtes invités à passer le sas. >>
Nouveau chuintement. Une tranche de la paroi pivota. Stuudman regarda son compère :
<<-Et en plus on est invité ! >>
<<- Après vous, Môssieur ta majesté- caporal. >>
Avec un sourire complice, Stuudman s' engouffra dans ce qui semblait être une vaste salle. Il y faisait noir comme dans un four. A tout hasard, il tendit la main en direction de l' endroit où était normalement placés les interrupteurs. Il y en avait bien un.
Le caporal l' actionna et les deux soldats furent aussitôt éblouis par la lumière crue qui venait du plafond.
Quand Stuudman s' habitua enfin à la luminosité, il ne pût retenir un :
<<- Ha ben krek alors ! >>

Asmodée avait embarqué à bord d' un transport de troupe, réaménagé par Lucifer en transport de luxe. Une partie de la garde personnelle du Maître l' accompagnait. Il fallait toujours en imposer lors d' un déplacement officiel.
Le Démon supérieur repassait en boucle l' enregistrement de l' attaque de la faille et enchaînait avec celui de l' entrée d' un Démon dans le boyau, s' arrêtant juste avant que celui- ci ne soit vaporisé. La perte d' un être de cette valeur était douloureuse pour Lui, c' est pourquoi Il ménageait ses émotions.
Le flux des pouvoirs de Lucifer s' était arrêté. Mais cette fois- ci, contrairement à la première fois, le transfert s' était effectué dans sa totalité. Cependant, Asmodée gardait pour Lui cette information. Il y avait plus urgent.
Le pilote Le prévint qu' ils arrivaient en vue de la montagne d' où émergeait le signal de l' Empereur. A cet instant précis, Nedwak, resté à la base, l' appela sur son communicateur. Maudit humain !
<<- Majesté, je détecte neuf vaisseaux en approche directe et en hyper- espace. J' ai voulu vous prévenir de suite. >>
<<- Neuf vaisseaux, l' Empire se moque de nous s' il croit pouvoir nous mettre à genoux avec aussi peu de force de frappe. Quelle est leur point de sortie prévu ? >>
<<- D' après leur décélération effective, j' ai calculé qu' ils en sortiraient entre Jupiter et Mars. >>
<<- Rassembles une flotte comparable et essayes de les intercepter à leur sortie d' hyper- espace, mais attention, je ne veux pas qu' un seul navire soit détruit. De plus. contactes Belzébuth et fais- le venir à ma rencontre. Rappelles- moi quand se sera fait. Terminé! >>
La Maître des Enfers coupa la communication avec un intense sourire de satisfaction. Joyce était certainement dans l' un des neuf vaisseaux. Il la ferait prisonnière et la ferait payer pour son insolence.
Le démon rit de bon coeur, pour autant que son organe vital en soit un, car il pensa à la surprise qu' aurait l' Impératrice quand elle découvrirait l' étendue de ses pouvoirs. Des pouvoirs qu' elle n' aurait connu que chez un seul être : Dieu.
Lui aussi allait payer.

Réalité, temps de Séthy 1er.
Lucifer avait senti l' approche de la navette d' extraction. Lucifer- prime n' avait rien senti venir, car ses pouvoirs n' étaient pas aussi développés que ceux de son double du futur. C' est donc en spectateur qu' il vécu la suite des événements. Il étudia attentivement l' utilisation que Lucifer faisait de ses pouvoirs. Peut. être y aurait- il moyen, à l' avenir, de se développer plus vite qu' Il ne l' avait fait dans le futur. Ceci Lui donnerait peut- être l' avantage qui Lui avait toujours fait défaut, face à l' Empereur et au Créateur.
Les deux Démons étaient alors sortis du temple du désert, et Lucifer avait tendu son esprit à la rencontre de la navette impériale :
<<- Ce sont bien des humains de l' Empire. Ils viennent certainement chercher leur rigolo. >>
<<- Les humains n' ont jamais étés une menace pour nous. Ils ne peuvent qu' apporter un soutien minimum à l' Empereur. >> Répondit Lucifer- prime.
<<<- Un appui, même minime, est toujours un appui. Nous n' allons pas donner à l' Empereur la moindre petite chance. Crois- moi, il en a déjà bien assez ! >>
Passant de la parole aux gestes, Lucifer tendit ses bras en direction du ciel d' Egypte. Il envoya une formidable concentration d' ondes maléfiques, à l' assaut de la petite navette d' extraction.
Dès cet instant, guidé par l' essence du Mal, Lucifer- prime pût déceler la présence des soldats impériaux. Il remarqua aussi que les soit- disant super pouvoirs qu' était sensé avoir Lucifer, n' étaient pas capables de pulvériser une navette, juste la secouer fortement.
Lucifer voyant sa tentative échouer, vert de rage rien qu' à l' idée de passer pour un incapable devant Lucifer- prime, décida d' employer les grands moyens. Il relâcha sa pression télékynésique sur l' aviso et commença à psalmodier une ancienne formule. Une formule qui datait d' un âge antérieur à l' existence du monde, si ancienne que Dieu même ne devait pas s' en souvenir.
Des forces obscures furent appelées et Lucifer les concentra dans une sorte de tourbillon de sable, qui s' élevait au ras du sol désertique. Les forces, seuls restes d' énergie des Grands Anciens, se dispersèrent dans la mini- tornade. Cette dispersion créa un vide d' air au milieu de la singularité, ce qui eût pour effet d' aspirer encore plus de sable. Ceci créa un noyau dur de particules qui, gravitant à une vitesse vertigineuse, entraînaient les grains aspirés à se propager de par la force centrifuge. La tornade augmenta de volume très vite, envoyant des grains de sable devenus mortels, tant leur inertie était devenue grande.
Lucifer- prime regardait la manoeuvre avec respect. La magie que maîtrisait son double était au- delà de tout ce qu' Il connaissait. Il eût même un mouvement instinctif de recul quand Lucifer tendit brusquement les bras vers le ciel. La tornade devenue folle dans sa vitesse de rotation, entama alors une ascension spectaculaire. On aurait dit qu' elle était dotée des nouveaux moteurs à plasma sortis des laboratoires d' Asmodée. Le désert se creusait littéralement à sa base, aspirant maintenant des tonnes de sable par seconde. Des dunes entières disparaissent en s' engouffrant dans le gigantesque aspirateur maléfique.
Quand la navette se fût écrasé au sol, Lucifer laissa retomber son emprise et la tempête s' essouffla en un rien de temps. Tout était déjà si paisible, que Lucifer- prime, s' Il n' avait de ses yeux vu, douterait de ce qui venait de se passer. Vantard à l' extrême, Lucifer se tourna vers Lui :
<<- Tu as encore beaucoup à apprendre pour me ressembler, mon frère... >>
<<- Ne te fais pas de soucis pour moi, Tu es la preuve que j' y arriverais bien... >>
Malgré le tour de force de Lucifer, Lucifer- prime ne se laisserait dominer en rien. Le Maître des Enfers c' était Lui, dans cet espace- temps. Il ne rajouta rien, cependant, pour montrer sa détermination. Il attendait son heure.
A force de faire le malin, son double du futur commettrait une erreur.
Forcément.

