Michaël, l' Horus vivant
Par Giauque Cédric
Asmodée profitait du confort du palais de Lucifer, palais qui lui appartenait dorénavant. Il se laissait flotter dans la grande piscine en laissant son esprit goûter le flux de pouvoirs provenant de la disparition des Démons Supérieurs.
Depuis deux jours, ce flux s' écoulait en lui, prenant possession de son être physique et spirituel. Il s'y abandonnait entièrement avec délice de sentir l' essence du Mal s' accroître en lui. Hors, depuis quelques minutes, il lui semblait que le flux devenait moins dense. Il s' était déjà approprié tous les pouvoirs de Bélial, puis de Satan. Mais à mesure que les pouvoirs de Léviathan se retrouvaient en lui, il avait la désagréable sensation de sentir le flux plus ténu. Un peu comme si le transfert s' achevait lentement, mais inexorablement.
Ce qui poserait problème. En effet, après les pouvoirs des trois Démons Supérieurs, il devait recevoir ceux de Lucifer, l' ex Prince des Ténèbres.
Asmodée se laissa aller à penser que dans le cas où le flux se tarirait, il ne serait même pas l' égale de Dieu. Ce qui pertuberait grandement ses plans. Il serait quand même bien supérieur à Bélzébuth, ce qui lui permettrait d' asseoir son autorité sur la Terre des Enfers, mais de combattre Dieu en plein coeur de l' Empire, il n' en serait plus question.
Réfléchissant au phénomène, Asmodée en conclut logiquement que cette perte de flux constant devait précéder celui plus important des pouvoirs de Lucifer. Après tout, personne ne savait comment se passait le transfert de pouvoirs si conséquents, le fait était peut- être normal.
Dans le cas contraire, cela ne voudrait dire qu' une chose : que Lucifer n' était pas mort. Hors, si le Prince était encore en vie, Il se serait déjà manifesté.
Cette pensée fit rire le Démon. Pensée stupide. Il allait recevoir les pouvoirs de Lucifer. Pourquoi s' en faire.
Il en était là de ses cogitations, quand on annonça un messager. Un humain du service de surveillance du territoire de l' est.
<<- Quelle plaie, ces humains. >> pensa Asmodée qui sortit de son bain.
Il s' enveloppa dans une large serviette parfumée au souffre et se prépara à recevoir son visiteur.
Contrarié d' avoir dû quitter son bain relaxant et de se détacher un peu du flux, Asmodée se fit la réflexion qu' il tuerait cet humain s' il était porteur de mauvaises nouvelles.
Imaginant mille tortures, il fit entrer l' enseigne satellite.

Depuis qu' ils s' étaient retrouvés dans le couloir, après le fameux rêve où un ange donna à Ooshi la bande- mémoire contenant des coordonnées de vol, les lieutenants de la Garde Impériale l' étudiaient en détail.
Jembaar, bien que trouvant la trajectoire risquée, était enchanté des données gravées sur la bande. Pour Saaba, il en allait autrement.
Pour l' attaché scientifique, le fait de courber l' univers était plein de contradictions. D' après lui, ce plan n'avait qu' une chance sur deux de réussir. Ca passait ou ça cassait, en gros, et Saaba ne pouvait logiquement aller dans le sens d' un tel projet.
<<- Vous rendez- vous compte que cela laisse peu de marge de manoeuvre. Dit- il. Pour autant que ce plan nous en laisse une. >>
<<- Je crois que nous en sommes tous conscient, dit Ooshi, mais, au moins, cela nous laisse une chance de porter secours à Aarun. >>
<<- D' autant que le plan de vol est parfait. En rentrant les coordonnées dans un puissant ordinateur positronique, je suis sûr d' atteindre le point de passage. >> Argumenta Jembaar.
<<- Ne reste plus qu' à trouver un aviso et de s' en emparer. Ce qui fera de nous des hors- la- loi, car il est impensable d' expliquer à Joyce le but de notre mission. Si elle apprend que nous tentons de sauver son père, mort il y a trois ans, en remontant le temps, nous serons tous enfermés et oubliés dans une cellule capitonnée. >> Pool, le spécialiste en techniques de combat, venait de toucher un point sensible : il fallait d' abord trouver un vaisseau.
Jembaar, le spécialiste en naviguation, apporta une précision :
<<- En fait de vaisseau, nous n' avons pas le choix. Ce sera le Synoom et pas un autre. Aucun autre vaisseau n' est capable de fournir la puissance d' accélération nécessaire pour passer le point de jonction de l' univers recourbé.>>
<<- Dans ce cas c' est impossible, laissa tomber Pool. Jamais nous ne nous emparerons du Synoom. Même en arrivant à prendre Saan par surprise sur la passerelle, jamais l' équipage ne nous obéira. >>
<<- Donc nous devons convaincre Saan de nous aider, et le temps presse, dit Ooshi, nous allons déjà prendre nos paquetages et nous retrouver sur le spatioport, devant l' accès au Synoom.>>
<<- Et ensuite ? demanda Pool, comment comptes- tu t' y prendre ? >>
<<- Nous lui diront la vérité en espérant que le Saan de cette réalité est semblable au Saan que nous avons toujours connu.>>
Personne ne posa la question qui brûlait toutes les lèvres, à savoir : Et si Saan refusait de les écouter, que se passerait- il alors ?
Pas un mot ne fut formulé car tous savaient bien qu' il leur faudrait alors prendre le Synoom par la force. Ce qui signifierait qu' ils se mettraient sur le dos toutes les forces armées de l' Empire et que, même avec leurs entraînements spéciaux, les sept compagnons ne s' en sortiraient que très difficilement.
Personne ne formula la moindre question, aussi parce qu' intuitivement ils se savaient prêts à aller jusqu' au bout de toutes les éventualités pour sauver leur Empereur, Aarun.
Dieu allait les aider dans la mesure de ses moyens, mais après le transfert dans le temps, ou à l' autre bout de l' univers, Rien n' était prévu.
Il leur faudrait alors improviser.
Chacun rassembla son paquetage et tous s' en allèrent en direction du gigantesque spatioport.
Leur mission commençait.

Nedwak était terrifié. Rencontrer un Démon aussi puissant qu' Asmodée le stressait. La peur se lisait sur son visage et ses genoux avaient de la peine à rester tendus.
<<- On me dit que tu as une nouvelle à m' annoncer. Tu prétends même que tu ne peux la dire à personne d' autre. Petit prétentieux, j' espère pour toi que cela vaut la peine de me déranger en plein travail, mentit le Démon. >>
<<- Ou...oui, oui grand Seigneur. V...voilà des relevés que j' ai effectués il y a quelques centiars de cela. >> bredouilla l' humain, au bord de la crise cardiaque, en tendant les relevés satellites
Asmodée prit les papiers des mains de Nedwak qui n' avait jamais cotoyé de si près le nouveau Prince. Il les parcourut en diagonale puis prit la parole :
<<- Et alors, il s'agit d' un banal signal repéré dans les territoires de l' est, une interférence quelconque. Tu vas payer ton audace, humain ! >>
<<- Pas n' importe quel signal, Seigneur. Il s' agit d' un signal organique bien précis. J' ai fait les vérifications d' usage et voici ce que j' ai trouvé à propos du signal. >>
Nedwak tendit alors un dernier feuillet. A sa lecture, Asmodée poussa un juron sonore et demanda:
<<- Est- tu certain de ce que tu avances ? C' est impossible ! >>
<<- C' est aussi ce que je me suis dit, d' abord. Mais après vérification, il n' y a aucun doute possible. Il s' agit bien du signal de l' Empereur.>>
<<- Il est mort au combat il y a trois ans, tu ne le sais pas ? >>
<<- C' est bien pourquoi j' ai tenu à vous le dire directement. Si j' étais passé par ma hiérarchie, l' information aurait été perdue, tant elle est incroyable. >>
Asmodée réfléchit en relisant les relevés. Le signal de l' Empereur semblait être apparu d' un seul coup. Et pourtant, il était bien mort au combat.
De nouveau, il ressenti le flux baisser de niveau. Cela faisait deux choses inhabituelles en même temps. Coïncidence ? Peut- être, peut- être pas, comment savoir.
Et pourtant il ne pouvait s' empêcher de penser que les deux faits étaient liés.
<<- Retournes à ton poste et informes- moi directement si le signal se déplace. Bien entendu, tu ne parles de ceci à personne. >>
Nedwak acquiesca, salua et sortit à reculons, tant Asmodée l' impressionnait. Chemin faisant jusqu' à son poste, il se prit à rêver d' une paire de cornes, cornes que le Prince ne manquerait pas de lui offrir pour sa découverte.
De son côté, Asmodée, le nouveau Prince, consultait ses cartes 3D pour faire le point de la situation. Et elle ne l' arrangeait guère.
En effet, le signal d' Aarun provenait d' un territoire contrôlé par Bélzébuth. S' il voulait voir de quoi il retournait, il lui faudrait d' abord réprimer la révolte du Seigneur des Mouches.
Il contacta Paymon par intercom et lui donna l' ordre de lancer l' Ordre des Puissances contre les nuées de Bélzébuth. Cette rébellion avait assez durée. Il était temps que le Démon se range à ses côtés. De gré ou de force.
Pour cela, l' Ordre des Puissances se verrait équipé de puissant pulvérisateurs d' insecticide, pour tuer les mouches de Bélzébuth. Il fallait employer les grands moyens, car il fallait absolument savoir ce qu' était ce maudit signal et ce qui le générait.
Bélzébuth allait plier le genoux devant lui, et, avec lui, toutes les Légions rebelles. Alors, les Enfers réunifiés, partiraient à l' assaut de l' Empire.
Ce petit signal ne l' arrêterait pas. Un simple contre- temps.

Le Synoom reposait sur son aire d' attérissage. Il étalait ses cinq cent mètres de long et ses cent mètres de circonférence, devant la Garde Impériale. Les sept compagnons d' arme marquaient un temps d' arrêt devant le vaisseau impérial, comme pour le jauger avant de passer à l' action.
<<- Et toi, tu veux prendre ça par la force ?>> Demanda Pool à Ooshi.
<<- S' il le faut, c' est ce que nous ferons, oui. >> Répondit ce dernier.
<<- Moi, je prépare déjà les pansements, au cas où...>> Dit Mackoll pour détendre un peu l' atmosphère.
Topd, à qui l' inaction pesait par- dessus tout, donna le signal du départ :
<<- Bon, on va déjà voir si Saan marche avec nous ou pas.>>
<<- Topd à raison, reprit Ooshi, et pour reprendre une phrase bien connue d' Aarun : Pas de soucis, on est les gentils ! >>
Les lieutenants esquissèrent un sourire, avec, néanmoins, un petit pincement en pensant à leur chef. De concert, ils se dirigèrent vers les plots de transfert, pour ensuite accéder au pont d' embarquement.
Ca et là, des enseignes les saluaient respectueusement, la Garde étant connue pour son héroïsme légendaire, au cours des dix dernières années de guerre. Notoriété qui semblait s' être encore accrue après leur dernier exploit : la destruction du Démonium, dans cette réalité.
Ooshi donna sa carte d' identification au soldat de guet, et ils furent autorisés à monter à bord, sans aucune question. Si Saan se mettait de leur côté, le soldat allait avoir une sacrée surprise en voyant le vaisseau appareiller. Pour l' instant, celui- ci ordonna le transfert immédiat de la Garde, à bord, brûlant ainsi la priorité à nombre de soldats et d' enseignes en attente de monter à bord. Personne ne discuta ce privilège fait aux hommes d' Ooshi, et c'est même naturellement que tout le monde laissa passer son tour.
On ne faisait pas attendre de tels héros.

Les cartes 3D du poste de commandement du palais de Lucifer, montraient l' avance implacable de l' Ordre des Puissance, dans les territoires de l' Est. Par conséquent, la débandade des Légions de mouches de Bélzébuth.
Le nouvel insecticide, produit par les laboratoires d' Asmodée, faisait merveilles. Non seulement il tuait les mouches, mais il se révélait toxique également pour les Légions de démons, aux ordres d' Ariton.
Loin de les tuer, il les rendait quand même incohérents, soit beaucoup plus facile à exterminer. Les Démons de l' Ordre des Puissances s' en donnaient à coeur joie, sur ces proies faciles.
Bientôt, les rangs décimés, les défenses de Bélzébuth n' offriraient plus aucune protection sur les territoires de l' Est et le Démon serait obligé de capituler. Ce serait alors l' avènement d' Asmodée.
Ca et là, des poches de résistance tenaient quand même bon. Particulièrement à l' endroit d' où venait le signal mystérieux. A croire que Bélzébuth avait décelé l' anomalie, Lui- aussi, et donné l' ordre de tenir la position.
Qu' à cela ne tienne, Asmodée demanda vingt légions fortement armées, à Amaymon. Un renfort précieux qui serait certainement déterminant pour écraser les poches de résistance. Ordre fût donné de prendre coûte que coûte, la position d' où émanait le signal de l' Empereur. Les vingts Légions supplémentaires allaient déferler sur l' ennemi telles une vague exterminatrice. Ne faisant aucune pitié face à leurs congénères démoniaques.
Asmodée recevait régulièrement et directement des indications sur la position du signal, envoyées par Nedwak. Toujours localisé au même endroit, il semblait narguer le nouveau Maître des Enfers. Comme si, à chaque révolution de satellite, il criait : <<- Je suis là... Je suis là...>>
Asmodée vérifia la position de ses renforts, et estima qu' il faudrait encore attendre une bonne journée avant que le coin ne soit démilitarisé et pacifié. Ensuite il se rendrait personnellement sur place, pour voir de quoi il retournait.
Mais quoique se fusse, il passerait un sacré mauvais moment. Cette pensée alluma un sourire mauvais sur la face du Démon qui, la tête pleine de délicieuses tortures, se replongea dans ses cartes.

Les Lieutenants de la Garde trouvèrent le Commandeur Saan, sur la passerelle. Celui- ci vérifait un transfert de matériel positronique de grande valeur. Ooshi attendit qu' il ait terminé pour venir lui parler.
Les Lieutenants restèrent en retrait, pendant que leur Commandant demandait une audience en privé, à Saan. Bien entendu, celui- ci accepta et les emmena dans ses appartements, sur le même pont, un commandant de bord devant être toujours à portée de la passerelle, au cas où.
<<- Alors, que puis- je pour vous, demanda Saan, jovial >>
Ooshi se tourna une dernière fois vers ses Lieutenants, comme pour demander leur acquiescement, une dernière fois. Tous soutinrent son regard, pour lui signifier qu' ils était entièrement avec lui. Se tournant vers Saan, il prit une grande bouffée d' oxygène, et se mit à parler :
<<- Voilà. Je vais aller droit au but. Il nous faut votre vaisseau et ce tout de suite. Nous devons même appareiller sans tarder, nous vous donnerons les coordonnées de vol en temps voulu. >>
Bien sûr, Ooshi s' attendait à une réaction qui ne tarda pas à venir.
<<- Vous êtes fous ? Croyez- vous qu' il suffit de dire : on y va, et le vaisseau décolle ? >>
<<- Et pourtant il faudra faire avec, Commandeur. Nous avons une mission. Cette mission nous l' avons reçue de Dieu, par l' intermédiaire d' un ange. Nous avons toutes les données sur cette bande- mémoire. >> Dit Ooshi en tendant la- dite bande.
Saan, faisant une totale confiance au Commandant, inséra néanmoins la bande dans l' ordinateur qui trônait sur son bureau. Les données défilèrent sur l' écran 3D et Saan se mit à rire.
<<- Voyons messieurs, vous n' êtes pas sérieux. Votre plan de vol est totalement irréaliste. Si je met de côté la folle hypothèse que nous arrivions à passer dans ce qui semble être un point de jonction de l' univers recourbé, Il nous faudra déjà l' atteindre. Hors c' est impossible, même avec le Synoom. >>
<<- Et pourquoi ça, demanda Saaba piqué au vif, j' ai fait toutes les vérifications nécessaires et je n' ai pas vu d' obstacle jusqu' au point de concordance. Je qualifierait même le vol de promenade de santé. >>
<<- Vous rigolez, Lieutenant. Et la Terre, vous en faites quoi ? >>
<<- La Terre n'a jamais été un problème à contourner, que je sache. >>
Saan regardait Saaba comme s' il descendait de la dernière pluie. Les paroles de l' attaché scientifique semblaient le choquer.
<<- Vous trouvez que la planète des Enfers n' est pas un problème. Je vous rappelle quand même que c' est la planète la plus protégée de tout l' univers connu. >>
La planète des Enfers. Voilà un fait qui avait échappé à la Garde, et plus précisemment à l' Endorien. En effet, il était particulièrement dur à réaliser que la Terre fût le berceau du Mal, dans cette réalité.
Dans ses petits souliers, Saaba, si sûr de lui généralement se liquéfiait sous les regards pleins de reproches de ses compagnons.
Topd, toujours bout- en- train, en remit une couche :
<<- La Terre : 1 ; Saaba : 0 >>
Ce dernier bredouilla des excuses qu' Ooshi balaya d' un geste de la main.
<<- On l' a tous oublié, t' en fais pas. >>
<<- Vous avez oublié que depuis 700 ans standards, la Terre est la planète Enfer. Je ne peux y croire, lança Saan, comment avez- vous pu...>>
<<- Là n' est pas le problème, Saan, le coupa Ooshi, il faut impérativement que nous soyons au point de jonction dans les exacts paramètres temporels indiqués dans le plan de vol. Et nous n' aurons qu' un seul essai. >>
<<- Puis- je au moins savoir dans quel but ? >> demanda Saan.
<<- Vous n' en avez pas vraiment besoin, Commandeur, répondit le Commandant, sur ce point il faut nous faire confiance. >>
Ooshi, voyant la partie presque gagnée, espérait que l' amitié qui liait Saan aux hommes de la Garde était aussi forte, dans cette réalité altérée, que dans leur réalité.
Saan resta un long moment plongé dans ses cogitations et finit par accepter de leur faire confiance. Il reprit :
<<- Soit. Mais il reste que passer si près de la Terre reste hautement dangereux. Nous aurons à nos trousses tout ce qui reste de l' armada infernale. Je ne sais si le Synoom à une puissance de feu nécessaire. Il faut aussi compter avec l' affaiblissement des boucliers de protection. Je ne peux pas garantir qu' ils tiennent suffisamment sous le feu nourri de plusieurs vaisseaux- mèreset autres croiseurs >>
La nouvelle cassa quelque peu la confiance de la Garde Impériale. Jembaar, expert en navigation, vint à leur secours :
<<- Et si, plutôt que de contourner la Terre, nous y passions à travers, en vitesse exponentielle ? >>
Saaba réagit immédiatement, comprenant de suite le raisonnement de son collègue :
<<- En passant ainsi à travers la masse de la Terre, nous serons protégés des forces de l' Enfer. En calculant au plus près le point de sortie d' hyperespace, nous ne serons une cible qu' un court moment. >>
Saan manqua s' étouffer. Jamais il n'avait entendu pareille ineptie. Il savait bien que traverser une planète en exponentielle était, théoriquement, possible. Mais décélérer aussi près d' une planète, n'avait jamais été tenté.
<<- On a déjà fait bien pire...>> lança Topd, toujours enclin au bon mot qui tombait à plat.
De ce fait, Saan le regarda de travers. Ooshi, ne voulant pas expliquer dans quelles circonstances ils s' étaient rematérialisés dans le vaisseau- mère de Lucifer, dans l' autre réalité, coupa court à la question.
<<- Saan, il vous faut maintenant choisir, le temps presse. Etes- vous avec ou contre nous. Mais sachez que nous irons au bout de notre mission, quoique vous décidiez. >>
<<- Je n'ai pas à réfléchir ! Si Dieu vous a donné une mission, je serais honoré de vous servir avec mon bâtiment. Quand partons- nous ? >>
<<- Le plus tôt sera le mieux, nous avons un long chemin à faire, jusqu' à la Terre. >>
<<- Dans ce cas, je vais annuler toutes les permissions et rappeler mes soldats à bord. Je tiendrai le Synoom à votre disposition dans une cinquantaine de centiars. Cela suffira- t- il ?
<<- Ce sera juste, mais je sais que vous allez tout faire pour le bien de notre mission, Commandeur.>> Répondit Ooshi soulagé de compter Saan avec eux sept.
Les Archanges de l' Empire était de nouveau réunis, ne manquait plus qu' Aarun. Mais ça, ils s' en occuperaient bientôt. Si tout se passait bien.
Si.

Les vingt Légions de Démons, venue en renfort, avaient fait pencher la balance dans les combats sanglants qui avaient confrontés les troupes d' Asmodée et celles de Bélzébuth.
Le rebelle, Seigneur des mouches, avait été contraint de capituler devant la cruauté de l' adversaire. D' autant que l' insecticide avait fait, lui aussi, des ravages. Non seulement il tuait les mouches, mais en plus il changeait les Démons de Bélzébuth en pantins incohérent, en faisant des proies faciles.
La rébellions n' avait donc pas tardée à être réprimée et c' est en vainqueur triomphant qu' Asmodée se préparait à se rendre dans le territoire de l' Est reconquit.
Non seulement Il allait assujettir le dernier rempart à sa main- mise sur la régence de la planète, mais il allait aussi connaître le fin mot de l' histoire concernant ce maudit signal. Car c' était là un mystère complet. D' autant que le flux des pouvoirs s' était arrêté de couler en Lui.
Ce fait et le signal posait deux questions, à savoir : pourquoi Il ne recevait pas les pouvoirs de Lucifer, et pourquoi le signal d' Aarun 1er apparaissait- il soudain en Enfer ?
Asmodée se fit la réflexion que tout cela était trop étrange pour ne pas être lié. En effet, Lucifer devrait être mort et, vu l' arrêt du flux, ne l' était visiblement pas. D' autre part, Aarun était mort il y avait trois ans de cela, et était , tout aussi visiblement, vivant, qui plus est à la surface du bastion du Mal.
Le nouveau Maître des Enfers jugeait ces deux phénomènes trop singuliers pour ne pas se déplacer en personne, sur le lieu d' où émanait le signal. Signal qui, selon les rapports de Nedwak, ne s' était pas déplacé d' un miliparsec, bien que situé en plein milieu des hostilités qui avaient fait rage.
Ce fait aussi était très étrange, car une Légion quelconque aurait dû tomber sur la source du signal, à un moment ou à un autre.
D' autre part, il ferait d' une pierre deux coups, car ce déplacement permettrait d' asseoir son autorité sur Bélzébuth. Ce qui fournissait une bonne excuse pour se déplacer sans éveiller les soupçons du Seigneur des Mouches, sur la source du signal de l' Empereur.
En effet, jugeant que cela pourrait peut- être donner, à Bélzébuth, une occasion de se retourner, Asmodée préférait garder, encore quelques temps, le secret pour Lui tout seul.
Afin de donner une image de confiance en soi, Le nouveau Maître des Enfers décida de se déplacer avec une escorte réduite, pour bien faire comprendre à Bélzébuth qu' Il n' avait pas peur de lui.
C' est donc seulement avec six gardes de confiance qu' Il embarqua dans un simple transport de troupes, des milliers de questions tournant et retournant dans son esprit.
Mais de toutes ses réflexions, se détachait nettement la pensée récurante que l' Empereur pouvait être un otage de choix, décisif dans la bataille avec Dieu.
Il ne recevait toujours pas les pouvoirs de Lucifer, mais il tenait peut- être là une occasion de prendre quand- même l' avantage.
Le vaisseau de transport de troupes s' éleva dans le ciel rouge, de la planète. Il resta un court instant en vol stationnaire, comme hésitant sur la route à prendre.
Puis, il pivota sur son axe et orienta son nez massif en direction de l' est. Le vaisseau sembla se cabrer, et ses tuyères crachèrent un flux de particules brûlant, résultat de la fission matière/ anti- matière.
Bientôt, Asmodée connaîtrait le fin mot de l' histoire de ce maudit signal.

Les trois quarts de l' effectif du Synoom avait pû être retrouvé assez facilement, et il avait été décidé par Saan que cela suffirait pour lancer le vaisseau impérial, dans l' aventure.
Les couloirs résonnaient d' une activité fébrile, comme avant chaque départ en mission.
Devant les risques du voyage, Jembaar piloterait lui- même le Synoom et Pool tiendrait la console tactique. De son côté, Dina, la spécialiste en communications, lancerait des leurres sous forme de signaux sub- spaciaux, afin que les systèmes de défense de la Terre ne les identifient trop vite, et, ainsi, retarder le moment de l' affrontement avec les forces démoniaques.
Ce serait une tâche compliquée, car les satellites construits dans les laboratoires de la Terre, étaient doté d' une technologie très avancée. Néanmoins, Dina, y mettrait tout son savoir et était confiante en ses capacités.
Dans un coin, Topd, bougonnait des suites de jérémiades car il n' avait rien à faire pendant la bataille. Aussi, rageur, il contrôlait et recontrôlait les explosifs en sa possession, mettant très mal à l' aise les enseignes présentes sur la passerelle.
Le moment étant venu, Saan donna l' ordre de décoller. Sans autorisation aucune de la part de la vigie de l' astroport de Cresta. Il ne fallut que dix secondes au général Biniin pour demander une communiquation prioritaire avec le vaisseau.
<<- Saan, êtes- vous devenu fou ? Vous volez le vaisseau- impérial ? >>
Ooshi s' avança dans le champs et prit la parole :
<<- C' est sur ma demande que le Commandeur Saan met à notre disposition le Synoom, général. >>
<<- Commandant ! Votre statut de héro ne vous permet pas de vous emparer de ce vaisseau. Atterrissez tout de suite ! >>
<<- Nous avons une mission, général. Nous n' avions pas le temps de vous avertir, mais nous ne reviendrons pas à quai. Je suis désolé. >>
Biniin écumait de rage. Jamais il n' aurait crû possible, pareille folie : que l' on s' empare d' un aussi gigantesque navire de guerre. Il reprit :
<<- Je vous donne une dernière chance avant de donner l' ordre de vous abattre, Commandeur Saan. Plusieurs canons à particules sont déjà pointé sur la coque du Synoom. >>
Saan, très peu perturbé par la menace, répondit :
<<- Voyons, général, vous savez bien qu' ils sont inefficaces contre mes boucliers. >>
<<- Nous ne pouvons pas faire machine arrière, général, reprit Ooshi, nous avons des ordres. >>
<<- L' impératrice ne m' a pas informé de votre hypothétique mission. >>
<<- Nos ordres viennent de plus haut encore, général. >>
A cette annonce, Biniin reta muet. Sur son visage se lisait l' expression d' une bataille intérieure. Le protocole militaire ordonnait de tirer à vue sur un vaisseau décollant sans autorisation. D' un autre côté, il avait toujours fait confiance au Commandeur et à la Garde Impériale.
C' était clair, s' il ne tentait rien pour arrêter le Synoom, il risquait sa place et sa carrière.
Par l' intermédiaire de l' écran holographique, Saan et Biniin se dévisageaient.
Levant la main au- dessus de l' intercom placé sur son bureau, Biniin enclencha l' appareil.
Saan et la garde retinrent leur souffle en attendant la sentence du général, à savoir l' ordre de leur tirer dessus.
Toujours en fixant Saan, Biniin lança dans l' intercom :
<<- Ici Biniin, ne tirez pas sur le Synoom. Je répète, ne tirez pas sur le Synoom. Biniin terminé ! >>
Puis à l' intention de Sann et d' Ooshi :
<<- J' espère pour vous que vous savez ce que vous faites, messieurs, et que cela en vaut vraiment la peine. Vous risquez la cour martiale pour cela. >>
<<- Ne vous en faites pas pour nous, général, dit Saan, nous savons effectivement ce que nous faisons. Et si nous échouons, nous ne risquerons pas grand- choses de la cour martiale, croyez- moi. >>
<<- Je ne sais pas ce que vous manigencez, mais il faut quand- même que j' avertisse l' Impératrice. Vous me comprenez ? >>
<<- Tout à fait, général, renchérit Ooshi, Mais si nous sommes victorieux, tout cela n' aura plus guère d' importance. >>
<<- Puis- je au moins savoir pourquoi je me suis mouillé avec vous ? >>
<<- Si on vous dit que nous projetons de retourner dans le temps pour sauver l' Empereur, me croirez- vous ? >>
<<- D'accord, j' ai compris. Vous ne me direz rien. Je vous souhaite de réussir votre mission et que Dieu vous garde, mes amis. Biniin terminé !>>
La communication se coupa et Saan se tourna vers Jembaar qui tenait le vaisseau prêt à s' éloigner de la base. Sans un mot, Jembaar se tourna vers ses appareils et entra les coordonnées sauvegardées sur la bande- mémoire donnée par l' ange messager.
Le cerveau positronique de navigation ingéra les informations et les transformèrent en diagramme, visible sur la console de l' expert crestien en navigation. Celui- ci valida et l' anti- matière se mélangea à la matière, dans les puissants réacteurs du vaisseau impérial.
La superstructure vibra au diapason de la fission, et le gigantesque bâtiment s' éloigna de la planète, d' abord lourdement puis de plus en plus vite.
Quand la distance réglementaire d' entrée en hyper- espace fût atteinte, Jembar enclencha la vitesse exponentielle et une fenêtre s' ouvrit dans lunivers, juste devant le nez de l' appareil. Celui- ci fut comme aspiré dans la brêche d' hyper- espace, et leur voyage vers la Terre commença.
Il durerait deux jours à pleine vitesse, soit vingt cinq fois la vitesse de la lumière. Un long voyage qui ne pourrait être mis à profit pour mettre au point un plan d' action.
Ils se ruaient tous vers l' inconnu.
Vers le premier voyage dans le temps, des forces de l' Empire.
Ou le premier voyage au bout de l' univers.

